Prévention de l’obésité infantile
Synthèse
Inciter les enfants à pratiquer une activité physique en aménageant autour d’eux suffisamment d’espaces verts, de gymnases et de terrains de jeu, pourrait être un moyen très simple de lutter contre l’obésité infantile. Parallèlement, les parents doivent s’assurer que leurs enfants dorment suffisamment la nuit. Tels sont les derniers résultats du projet IDEFICS (Identification and prevention of Dietary- and lifestyle-induced Health EFfects In Children and infantS), financé par la Commission européenne.
Table des matières
- Augmentation du tour de taille du Nord au Sud
- Dormir suffisamment pour rester mince
- Un environnement propice à l’activité physique
- Importance du milieu familial
- Lien entre le poids et les préférences gustatives
- La prévention des maladies cardiaques doit débuter très tôt
- L’étude en détail
- Dernière étape de l’étude IDEFICS
- Pour plus d’informations
Déjà en 2006 et en 2008, nous avions rapporté les objectifs de la vaste étude européenne IDEFICS ainsi que certains de ses premiers résultats. Ce projet s’intéresse aux effets de l’alimentation, des habitudes de vie et de l’environnement social sur la santé des enfants européens âgés de 2 à 10 ans. Les chercheurs ont élaboré et mis en œuvre diverses interventions spécifiques pour réduire la prévalence des maladies liées à l’alimentation ou au mode de vie et s’attachent actuellement à les évaluer. D’importants nouveaux résultats tirés de cette étude sont disponibles depuis peu.
Augmentation du tour de taille du Nord au Sud
L’étude a montré qu’environ un enfant sur cinq est en surpoids ou obèse. D’une manière générale, et partout en Europe, le surpoids chez les enfants de moins de 10 ans concerne davantage les filles que les garçons. Parmi les différents pays visés par les interventions de l’étude IDEFICS, la prévalence de l’obésité infantile était plus élevée dans les pays du Sud de l’Europe (jusqu’à 20 %) que dans les pays du Nord (moins de 5 %) (Voir Figure 1). Cette constatation coïncide avec une fréquence plus élevée de repas pris en regardant la télévision dans les pays du Sud de l’Europe comparée à ceux du Nord. Par exemple, seulement un quart des enfants suédois mangent parfois ou souvent devant la télévision contre trois quarts des enfants italiens. Il reste toutefois à déterminer si le fait de manger en regardant la télévision contribue au développement de l’obésité.
Figure 1 : Prévalence du surpoids et de l’obésité infantiles dans les pays visés par l’intervention IDEFICS
L’étude IDEFICS a par ailleurs montré que les enfants suédois sont ceux qui, de loin, consomment le moins de boissons sucrées tels que les sodas. De même, et conformément aux habitudes culturelles, aucun des enfants suédois ne mangeait plus de 3 sucreries par semaine et seulement 1 % d’entre eux ont rapporté consommer du chocolat et des barres chocolatées plus de 3 fois par semaine. Ces derniers déclaraient consommer très peu de biscuits et de gâteaux et près de 40 % d’entre eux rapportaient manger des fruits frais au moins une fois par jour. Ils figurent également parmi les plus grands consommateurs de légumes crus, puisque 60 % d’entre eux ont déclaré manger des légumes crus une à trois fois par semaine. Leur comportement alimentaire se rapproche le plus d’une alimentation équilibrée riche en fruits et en légumes, dans le cadre de laquelle les sucreries et le chocolat ne sont consommés qu’occasionnellement.
En moyenne, près de la moitié des enfants d’âge préscolaire (âgés de 2 à 6 ans) ont rapporté manger des légumes cuits au moins une fois par jour, à l’exception de ceux de Chypre et d’Italie où ce chiffre n’est que de 20 %. Puisque les apports en légumes cuits sont inférieurs chez les enfants plus âgés, il importe de déployer des initiatives pour maintenir, voire accroître les apports en légumes au fil du temps.
Dormir suffisamment pour rester mince
L’un des principaux résultats de l’étude IDEFICS montre l’existence d’un lien très marqué entre la durée du sommeil de l’enfant et le risque de surpoids ou d’obésité. Les chercheurs ont comptabilisé les heures de sommeil du lundi au jeudi dans le but d’obtenir un indicateur de la durée habituelle de sommeil. Les enfants de maternelle qui dorment moins de 9 heures par nuit présentent un risque significativement plus élevé de surpoids. Par ailleurs, les enfants scolarisés qui dorment moins de 11 heures ont 40 % plus de risques de présenter un surpoids ; ce niveau de risque passe à 300 % si la durée du sommeil est inférieure à 9 heures. Le temps potentiellement dévolu au sommeil était généralement consacré à la télévision ou à des jeux vidéo. Cette constatation s’appliquait tout particulièrement aux garçons. S’assurer que les enfants dorment suffisamment pourrait donc être une stratégie de lutte contre l’obésité infantile et le moyen le plus évident d’y parvenir est de réduire le temps que les enfants passent devant un écran de télévision ou d’ordinateur.
Un environnement propice à l’activité physique
L’étude IDEFICS révèle que les enfants les plus actifs (qui pratiquent un sport, se rendent à l’école à pied ou à bicyclette) et ceux qui passent moins de 14 heures par semaine devant un écran (télévision, DVD, ordinateur) étaient les moins susceptibles d’être en surpoids ou obèses. Les chercheurs ont également demandé aux enfants de se prêter à un test d’évaluation de la condition physique. Comme prévu, les garçons étaient en meilleure condition physique que les filles. La comparaison des enfants de 6 ans et de 9 ans a toutefois fait ressortir une diminution du niveau de condition physique avec l’âge, chez les garçons comme chez les filles !
Il apparaît donc qu’il faille inciter les enfants à être plus actifs. Les chercheurs ont par conséquent étudié 344 enfants scolarisés en Allemagne pour déterminer si leur niveau d’activité physique quotidien était lié au potentiel de mobilité offert par leur environnement. La mobilité était définie par la connectivité des rues, la densité des trottoirs et des pistes cyclables, le nombre de terrains de jeux, d’espaces verts et d’infrastructures sportives ainsi que la distance à parcourir pour y avoir accès. Selon les parents, les enfants qui vivent dans des zones propices à la mobilité (c’est-à-dire où il est facile d’avoir accès à des terrains de jeux et de sports) consacraient en moyenne 15 minutes de plus de leur temps à des activités en plein air que les enfants qui vivent dans des zones où la mobilité est faible. Ces données sont importantes pour les élus municipaux, les urbanistes ou les responsables de l’aménagement de l’environnement. Si nous voulons inciter les enfants à être plus actifs physiquement, nous devons leur permettre d’avoir accès à un environnement propice à la mobilité et à l’activité physique.
Importance du milieu familial
En plus du sommeil et de l’activité physique, le milieu familial est un facteur important lié au développement éventuel du surpoids et de l’obésité chez les enfants. Le niveau d’éducation et de revenu des parents est étroitement lié au poids de l’enfant. Les enfants de parents à faible revenu avaient 50 % plus de risques d’être en surpoids ou obèses que les enfants dont les parents avaient un revenu élevé. Cet effet peut être expliqué en partie par la moins bonne qualité de l’alimentation dans les familles à faible revenu. Les enfants de familles immigrantes étaient également plus susceptibles d’être obèses, encore que cela ne se soit pas vérifié dans tous les pays européens concernés par l’étude. Plus particulièrement, les enfants de familles monoparentales étaient plus susceptibles de devenir obèses que les enfants des familles biparentales. De plus, les enfants dont un des parents au moins est en surpoids ou obèse étaient plus à risque d’être eux-mêmes en surpoids ou obèses.
Lien entre le poids et les préférences gustatives
Les chercheurs de l’étude IDEFICS ont évalué les préférences gustatives de 1 575 enfants âgés de 6 à 9 ans. Chaque enfant a été invité à goûter deux aliments et devait indiquer celui qu’ils préféraient. La paire d’aliments consistait soit de deux craquelins, soit de deux verres de jus de pomme. Chaque fois, la paire d’aliments se composait d’un aliment de base (craquelin ou jus normal) et d’un aliment modifié (craquelins plus riches en matières grasses, en sel ou en glutamate monosodique et jus de pomme plus sucrés et aromatisés). Les chercheurs ont constaté que les enfants en surpoids et obèses préféraient nettement les jus plus riches en sucre par rapport aux enfants dont le poids était normal. De façon similaire, davantage d’enfants obèses et en surpoids ont préféré les craquelins plus riches en matières grasses. Les enfants qui préféraient le craquelin riche en matières grasses consommaient également davantage d’aliments riches en matières grasses pendant la semaine. Aucun des enfants de cette étude n’a manifesté de préférence pour les craquelins dont la teneur en sel ou en glutamate monosodique avait été augmentée. Ces résultats ont été comparables dans tous les pays européens concernés.
La prévention des maladies cardiaques doit débuter très tôt
La forte prévalence du surpoids et de l’obésité observée chez les jeunes enfants aura indiscutablement un impact sur la prévalence des maladies cardiaques à l’âge adulte. La plupart des enfants obèses le resteront à l’âge adulte. Ces enfants sont souvent issus de familles ayant des antécédents de maladies cardiaques. Il est par conséquent très important d’identifier très tôt les enfants à risque de maladie cardiaque. Les chercheurs de l’étude IDEFICS ont élaboré un score de risques multiples qui tient compte de la pression artérielle, de la glycémie, du taux de lipides sanguins et du poids des enfants. Grâce à ce score, le risque de maladie cardiaque à l’âge adulte peut être estimé très tôt. Les chercheurs ont remarqué qu’un certain nombre de facteurs de risque de maladie cardiaque étaient présents chez une proportion significative d’enfants de l’étude IDEFICS. Ce phénomène est inquiétant et montre que la prévention de l’obésité infantile doit débuter tôt et qu’elle pourrait permettre de prévenir l’apparition de maladies cardiaques à l’âge adulte.
L’étude en détail
Au total, 16 224 enfants âgés de 2 à 10 ans et leurs parents ont participé à cette vaste étude européenne. Les pays participants (Belgique, Suède, Estonie, Allemagne, Hongrie, Espagne, Chypre et Italie) formaient un échantillon représentatif des différentes régions d’Europe. Les chercheurs ont réalisé de nombreuses mesures chez les enfants et chez leurs parents, allant de questionnaires simples sur les habitudes alimentaires et la mesure du poids et de la pression artérielle, à desanalyses sanguines et urinaires. Des échantillons d’ADN ont été prélevés chez 5 000 enfants pour des études génétiques. Le rapprochement des données des différents centres de recherche a soulevé des défis de taille en matière de conception des enquêtes sur les habitudes alimentaires, compte tenu des grandes différences entre les pays dans la disponibilité des denrées et dans les habitudes alimentaires. Les chercheurs ont toutefois pu standardiser l’ensemble des mesures réalisées dans les différents pays pour garantir la qualité des données et pouvoir établir des comparaisons. Ces mesures standardisées sont très importantes car elles pourront être utilisées pour de futures études multinationales.
Dernière étape de l’étude IDEFICS
L’étude IDEFICS se poursuit et vient d’entrer dans sa dernière étape. Les chercheurs étudient actuellement l’influence possible des habitudes alimentaires des enfants sur le risque d’obésité et de surpoids. Ils mesureront l’alimentation habituelle pour voir s’il existe un lien avec les changements de poids chez les enfants européens étudiés et pour pouvoir, ce faisant, formuler des recommandations alimentaires afin de leur donner la possibilité de maintenir un poids sain.
Les chercheurs exploiteront également la base de données génétique pour étudier les liens entre les marqueurs génétiques et l’obésité ou les troubles associés (comme la résistance à l’insuline), en tenant compte des différents facteurs liés aux modes de vie.
Enfin, les chercheurs continueront de suivre les enfants après la mise en œuvre de plusieurs interventions en rapport avec l’alimentation et les modes de vie. Ils souhaitent voir si les changements apportés sont efficaces et quelles initiatives contribuent le plus à prévenir le surpoids, l’obésité et les troubles associés. De la sorte, de nouvelles stratégies de prévention, y compris des lignes directrices et des recommandations, pourront être formulées après la fin de l’étude.
Pour plus d’informations
Catherine Poggi
A votre écoute
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